GÉRARD COURANT : UN CINÉMA ONTOLOGIQUE.

Jacques Donguy, Art Press, n° 84, septembre 1984.

Dernière Vague

Il fait des images de films avec des portraits de cinéastes. Il tourne des longs métrages sur deux pages de scénario. Il est bavard dans ses titres, mais ses films naissent des récits les plus simples. Quel genre de cinéaste est Gérard Courant ?

« Le cinéma, c’est mettre un soleil dans chaque image. » (Abel Gance)

« The Empire State Building is a star ! » (Andy Warhol)

Soit le titre du premier long métrage de Gérard Courant : Urgent à quoi bon exécuter des projets puisque le projet est en lui–même une jouissance suffisante, qui rejoint une phrase de Sol LeWitt, qu’il cite : « Quand un artiste fait de l’art conceptuel, cela veut dire que... toutes les décisions sont prises à l’avance, et que l’exécution n’est plus qu’une affaire négligeable ». Ou une conception abstraite du cinéma. Référence est faite aussi à Terry Riley, à ce qui pourrait être un « cinéma répétitif ».

Le cinéma le plus simple

« Cinématon est la plus belle distribution de l’histoire du cinéma. » Ou le degré zéro du cinéma. Depuis février 1978, sur le principe du photomaton, plan fixe de 3’ 20’’ sur le visage, un cinéma ethnologique. Archives du milieu de l’art dans les années 80, de Godard à Wenders, ou à Sollers. Une oeuvre infinie.
Le cinéma le plus simple. « Je commence à filmer quand les autres n’ont pas encore commencé ou lorsqu’ils ont déjà fini de tourner. » Ou encore cette phrase de Lubitsch, qu’il aime citer : « Avant de savoir filmer des acteurs, il faut déjà savoir filmer des montagnes. »
Marilyn apparaît dès son premier film : Marilyn, Guy Lux et les nonnes. Miss Lance–Flammes. Pin–up pendant la guerre de Corée. « J’étais le genre de filles qu’on retrouve morte dans une chambre minable, un flacon de somnifères à la main ». Le visage de Couny Schenck dans Spoonful. Ou Gene Tierney, l’héroïne de Péché mortel, dans She’s a very nice lady. À propos de Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier..., on peut reprendre la phrase de Sydney Franklin : « On aurait pu montrer trois cents mètres de Norma Talmadge assise sur une chaise et ses adorateurs se seraient précipités pour voir ça » Un cinéma (hyper)–hollywoodien.
Fascination du cinéma des origines. « J’ai toujours essayé de commencer par le début ». Ainsi, ses films image par image, le vol des mouettes décomposé dans son portrait de Thessalonique (Le Vol des oiseaux de Marey en 1890). Marey. Muybridge. La chronophotographie. « Le cinéma, qu’est–ce que c’est ? Simplement des photos mises les unes à côtés des autres ».

Films ready–made

Cinématon, ou le « dernier film de l’histoire du cinéma ». Après la Nouvelle Vague, Gérard Courant a conscience de faire partie de la Dernière Vague. Sa référence se situe auprès de ce que Langlois a appelé la Vague Impressionniste dans le cinéma, avec des gens comme Delluc ou Epstein. Films tournés avec deux pages de scénario. Coeur bleu a été tourné dans cet esprit–là. « Je flotte à la surface des choses ».
Le cinéma expérimental s’est développé avec l’apparition du Super 8 sur le marché dans les années 60. Super 8 qu’il gonfle en 16 mm. Ou les films les moins chers du cinéma. Caméra–stylo.
Films ready–made. Le cinéma comme « event » : Qu’est–ce qui se passe quand il ne se passe rien. Cette lenteur. « Je suis pour le cinéma hypnose ». Warhol, Akerman, Garrel, Snow, Gehr, Sharits. Épuiser une image. Fascination des visages, celui de Martine Elzingre, ou de Marie–Noëlle Kauffmannn.
Le soleil dans Aditya. Son goût pour la surexposition. Dans le synopsis de She’s a very nice lady, il écrit : « Rien n’y fait, elle (Doreen) est absorbée et vampirisée par la lumière enivrante du jour ». Ou la référence à Lumière (« La vérité, c’est Lumière »).

 


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