STALKER de ANDREÏ TARKOWSKI.

Art press, n° 48, mai 1981.

« Quand on n’a pas d’imagination, mourir c’est peu de choses, quand on en a, mourir, c’est trop » disait Céline. Et dans les salles obscures, il en faut de l’imagination aux cinéastes pour que le regard des spectateurs ne meure pas dans le miroir de l’écran. Y a-t-il beaucoup de films assez brillants pour incruster leurs images dans notre cerveau ? Assurément, assez peu. Le Stalker d’Andreï Tarkowski est de ceux-là. Deux intellectuels (un écrivain et un scientifique) accompagnés par un guide entreprennent un voyage vers la vérité et traversent une suite de labyrinthes dans la nuit de leur mémoire. « Il n’y a rien que la nuit, comme partout d’ailleurs, une nuit énorme qui bouffait la route à deux pas de nous et même qu’il n’en sortait du noir d’un petit bout de route grand comme la langue ». Je ne sais si Tarkowski pensait à Céline quand il propulsa ses trois héros dans le grand fracas de la peur car tout – la fascination de la peinture des ténèbres, les visages pulvérisés par l’effroi – dans ce voyage au bout de la nuit fait penser aux déambulations de Ferdinand en quête d’un peu d’amour et d’humanité. Ce film est saisissant : il fait peur et déroule ses images bien au-delà de la fin de la projection.

Gérard Courant.

 


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