PLUIES D’ÉTÉ de CARLOS DIEGUES.

Cinéma 81, n° 273, septembre 1981.

Il y a une quinzaine d’années, quelques initiés s’esclaffaient devant les films de Carlos Diegues et devant le Cinema Novo. Aujourd’hui, les films de Carlos Diegues ont trouvé une petite place en France : il faut se féliciter du progrès.

Pour Pluies d’été, tourné un an après Xica da Silva, en 1976, et juste avant Bye Bye Brasil, une salle du Quartier Latin a offert son lieu comme à n’importe quel Buñuel ou Lang. Bien sûr, on peut regretter que d’autres salles n’aient pas le courage et le culot de suivre le Studio Logos car Pluies d’été est du cinéma populaire à l’usage de tous les publics.

Bon, ce film présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, en 1978, est visible et c’est là l’essentiel. Remarquez, le risque est réduit puisque le choix du mois de juillet ne permet guère de faire le plein des salles. Et – je souhaite me tromper – il ne faudrait pas parier très cher pour s’apercevoir que certains critiques en profiteront pour ne pas le voir et ne pas en parler. De ce côté-là, il y a beaucoup de progrès à faire.

Certes, Pluies d’été est un film de récréation, sans prétention historique ou politique, à côté des Héritiers ou de Xica da Silva, et notre ami Carlos Diegues est un cinéaste bien trop connaisseur de son métier pour ne pas tourner un film quand il en a la possibilité. Mais c’est justement l’occasion où jamais de dénicher le style et l’art de ce cinéaste dans une oeuvre divertissante.

Le style, où est-il ? Il est là dans cette merveilleuse saisie du temps qui passe, qu’on ne voit pas passer et qui, pschitt !, vous embarque dare-dare vers la retraite, dans le vieux clown qui rit pour ne pas oublier qu’il fut clown, dans la peinture d’Abelardo dominé par sa femme, dans l’accouplement de Don Afonso et Dona Isaura. Il est là, dans ces petits mouvements d’appareils qui effleurent la vie et les maisons décrépies, il est là dans les plans d’intérieurs de maisons de petits employés éclairés de lampes électriques à la lumière écrasante.

Bien découpé en quatorze historiettes, Pluies d’été est parfaitement joué par Jofre Soares. Et Carlos Diegues a su lui insuffler la dose de patience, d’intelligence instinctive et de discrétion qui va comme un gant à son personnage.

Le cinéma de Carlos Diegues tolère mal la violence. Cette faculté, vérifiable à chaque plan, lui reste assez étrangère. À l’opposé, son cinéma, qui se refuse à cette intolérance, est fait de tendresse et d’affection. Et, à voir Pluies d’été, on se dit que si Glauber Rocha est le Godard brésilien, Carlos Diegues est, en quelque sorte, son Truffaut.

Gérard Courant.

 


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