Année : 2011. Durée : 51'
Fiche technique :
Réalisation, concept, image : Gérard Courant.
Son : Aurélie Brenachot, Gérard Courant.
Interprétation : Jean Douchet et le public du cinéma Devosge de Dijon (France).
Production : Les Amis de Cinématon, Les Archives de l’Art Cinématonique, La Fondation Gérard Courant.
Diffusion : Les Amis de Cinématon.
Tournage : 15 novembre 2011 à Dijon (France).
Format de tournage : Vidéo Mini-DV.
Cadre : 4/3.
Procédé : Noir et blanc et couleur.
Collections publiques :
BNF (Bibliothèque nationale de France), Paris (France).
Cinémathèque de Bourgogne-Jean Douchet, Dijon (France).
Première diffusion publique : 8 avril 2012, site YouTube.
Principaux lieux de diffusion :
Site YouTube, 2012.
Jean Douchet analyse « Vivre sa vie » de Jean-Luc Godard au cinéma Devosge de Dijon est un épisode des Carnets filmés de Gérard Courant. Cette partie a été tournée le 15 novembre 2011 à Dijon à l’occasion de la carte blanche que la Cinémathèque de Bourgogne-Jean Douchet avait offert au cinéaste et qui était organisée en parallèle à la rétrospective de ses films (à Dijon) et à l’intégrale Cinématon (à Chalon-sur-Saône).
Le critique de cinéma et cinéaste Jean Douchet, qui a prêté son nom à la Cinémathèque de Bourgogne fondée par Nicholas Petiot, anime régulièrement les ciné-clubs de la Cinémathèque française à Paris et des Cinémathèques de Nice et de Bourgogne à Dijon.
Lors de cette séance, Jean Douchet analyse Vivre sa vie, le chef d’œuvre que Jean-Luc Godard a réalisé en 1962 avec la magique Anna Karina.
Comme de coutume, Jean Douchet intervient après la projection du film. Dans un premier temps, il présente et analyse l’œuvre puis, dans un second temps, il donne la parole au public et répond aux questions des spectateurs.
Inutile de présenter la teneur du film de Gérard Courant puisque tout est contenu dans le titre de ce nouvel épisode des Carnets filmés, entreprise prométhéenne qui ravira aussi bien les cinéphiles des temps futurs que les sociologues et anthropologues qui pourront puiser dans ces archives cinématographiques comme dans une mine d'or.
A l'occasion de la rétrospective qui lui a été consacrée à Dijon, Gérard Courant s'est vu offrir une « carte blanche » par la Cinémathèque de Bourgogne et a invité Jean Douchet à venir analyser le film de Jean-Luc Godard Vivre sa vie (un des plus beaux du cinéaste, pourtant peu avare en chefs-d’œuvre).
Quiconque a eu la chance d'écouter Jean Douchet parler d'un film sait à quel point la parole du critique est précieuse et qu'il n'est pas inutile de la fixer sur pellicule (ou sur une bande vidéo comme ici). Douchet est un équilibriste qui avance sans filet : il n'a visiblement aucunement préparé son intervention mais il parvient pourtant à analyser en profondeur l’œuvre de Godard, une idée en faisant jaillir une autre, et les (rares) interventions des spectateurs lui permettant de rebondir, de digresser, de faire progresser une pensée jamais figée et toujours passionnante.
Mais plus que le contenu, c'est également la forme de ce « carnet filmé » qui séduit. Contrairement à ce que l'on pourrait parfois penser, Gérard Courant ne se contente pas de filmer au petit bonheur la chance avec sa caméra vidéo comme un quelconque vidéaste amateur. Ses films sont travaillés et même les quelques « scories » qui peuvent subsister font partie de son projet.
Ici, il divise son écran en quatre : en haut à gauche, les images de Douchet parlant du film de Godard, en dessous, le Cinématon du critique réalisé en 1979, en haut à droite de l'écran, le mythique Cinématon de Godard et en bas à droite, la compression de Vivre sa vie. Ce dispositif, qui pourrait paraître un peu artificiel produit des effets étonnants.
Effets de rimes lorsque Douchet dans son lit se tourne vers le côté gauche de l'écran tandis que Godard regarde hors-champ vers la droite du cadre.
Effets de circulation puisque les quatre écrans semblent communiquer entre eux et tisser un ensemble de correspondances. C'est d'autant plus frappant lorsque Douchet explique les correspondances dans Vivre sa vie entre Godard, Karina, Dreyer et sa Jeanne d'Arc que Nana est en train de regarder. La cinéphilie, pour Douchet, est cet « art d'aimer » qui passe avant tout par la parole et la circulation entre les hommes et les œuvres. Ce que capte Courant à travers son dispositif, c'est ce lien « cinéphilique », ce passage de relais qu'effectue le critique entre l’œuvre de Godard et les spectateurs.
C'est après cette rencontre riche qu'on découvre alors un plan fort mélancolique. Courant filme les rares spectateurs de la salle sortir tandis qu'en surimpression, on retrouve le plan d'Anna Karina pleurant face au chef-d’œuvre de Dreyer. Cette salle presque vide marque justement la rupture de ce lien cinéphile aujourd'hui. D'un côté, les pratiques cinéphiles ont totalement éclaté (jamais on a autant écrit sur le cinéma et n'importe qui peut désormais donner son avis sur un film sur Internet : c'est la détestable « culture » AlloCiné) ; de l'autre, le cinéma en tant qu'art et objet de réflexion n'intéresse plus guère. On consomme du cinéma plutôt qu'on ne le vit : que ce soit sa version pop-corn et grosses machines hollywoodiennes ou sa version « culturelle » (on va voir le dernier film adoubé par Télérama ou Libération, ce qui explique le succès de ces films d'auteur « porteurs » qui peuvent être très biens -Almodovar, Kaurismäki- mais qui ne font plus l'objet d'un discours cinéphile. Ce sont des produits culturels qu'il faut avoir vus comme il faut absolument aller faire la queue dans les musées pour aller voir la dernière exposition à la mode).
D'une certaine manière, ce « carnet filmé » de Courant prend acte de la mort d'une certaine idée de la cinéphilie (les classiques n'intéressent plus) et de la rupture d'un lien que la parole de Douchet tente pourtant, vaille que vaille, de raccommoder...
(Docteur Orlof, Le Blog du Docteur orlof, 24 décembre 2011)
En cherchant à apporter sa part de réflexion à la question obsessionnelle de Dominique Noguez (voir acte I) sur une définition du Cinéma Expérimental, la Cinémathèque de Bourgogne poursuit sa programmation. La nouvelle étape est une montagne, mais pas une montagne qu’on gravit, une montagne qu’on scrute. Personne ne peut planifier une escalade de la filmographie de Gérard Courant, le panorama change continuellement et chaque film prend une place nouvelle dans la cartographie. Avec lui, on parle de film le plus long de l’histoire, de casting démesuré, de compression et de décompression, de carnets filmés, de décalogies et de bien d’autres. Trop souvent, trop facilement Courant est proposé comme une sorte de malin prestidigitateur, un brasseur d’effets. C’est un résultat pervers de ses choix.
À force de ne pas comme les autres, Courant a derrière et devant lui une oeuvre unique qui dégomme les normes. Filmographie et modes de productions hors cadres appellent à une programmation hors évidence. Lieux, moments, durées, sons, tout sera différent. Et pourtant vous y croiserez tant de lieux familiers, de visages célèbres et d’images d’une histoire du cinéma qu’il fait sienne que vous ne pourrez pas vous perdre. De toute façon on ne se perd jamais dans un voyage, au pire on s’égare.
Alors puisque personne ne peut le classer, le catégoriser, l’immobiliser ne serait-il pas la meilleure réponse à la question de Noguez ?
(Nicholas Petiot, directeur artistique de la Cinémathèque de Bourgogne-Jean Douchet, novembre 2011)
Prodigieusement intéressant ce croisement de l’analyse et du film accéléré répété.
(Marie-Christine Questerbert, Facebook, 3 décembre 2015)
Extraordinaire.
(Tai wai dave Cheung, YouTube, Octobre 2016)
There's a moment where I misheard Jean Douchet in his pronunciation of Vivre sa vie hearing it as "Virus à vie" (Lifelong virus) and it perfectly illustrates the split screen nightmare this piece is presented as. It could also perfectly demonstrate some of the worst of Godard films.
(Malvad, Letterboxd, 15 May 2022)
Merci pour ce partage. Extrêmement intéressant comme toujours avec Douchet. Cela donne envie de revoir ce très beau film. Ceci dit, je ne suis pas aussi enthousiaste que Douchet sur l'art de Godard en général et beaucoup moins optimiste sur sa reconnaissance sur le long terme à part dans des cercles de professionnels ou de connaisseurs très pointus. Que les films de Godard soient très riches en idées originales et intéressantes, cela se voit, mais voir dans l'identification de Jeanne d'Arc à Anna Karina (on avait compris) ou du discours sur la société ne tourne pas dans le sens du cosmos (ce que plein de gens répètent depuis des lustres) un sommet de la créativité artistique n'est pas hyper convaincant. On a déjà vu et entendu des choses beaucoup plus belles en art. L'extase de Douchet sur la touillette qui reproduit la galaxie dans le café est même comique. Si les milieux cultivés connaissent tous Godard, je ne vois pas une montée de l'engouement pour ses films avec le temps. Les inconditionnels de Godard s'extasiaient du fait que Godard était le seul réalisateur avec 4 films dans le top 50 du classement de Sight and Sound en 2012, mais je les trouve plus discret sur le fait qu'en 2022, il n'en reste plus qu'un et pas très haut... Je crois qu'il n'a pas seulement perdu le grand public mais aussi les gens cultivés (même si ils le connaissant évidemment et peuvent aimer certains de ses films).
(MegaClassicguy, YouTube, 23 mai 2024)
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