Année : 2010. Durée : 1 H 21'
Fiche technique :
Réalisation, concept, image, son, montage : Gérard Courant.
Production : Gérard Courant, Les Amis de Cinématon, Les Archives de l’Art Cinématonique, La Fondation Gérard Courant.
Interprétation : Tony Faria-Fernandes, Vincent Jourdan, Marjorie Nouvel, Hervé Roesch, Vincent Roussel, Andrea Staerke, William Turmeau.
Diffusion : Les Amis de Cinématon.
Tournage : 19 au 22 novembre 2010 à Nice (France).
Format : Vidéo MiniDV.
Cadre : 4/3.
Procédé : Couleur et Noir et blanc.
Collection publique : BNF (Bibliothèque Nationale de France), Paris (France).
Carnet de Nice est le journal filmé de ma présence aux Rencontres Cinéma et Vidéo de Nice où j’ai présenté plusieurs de mes films.
Ce nouvel épisode niçois de mes Carnets filmés commence par une ballade sur la promenade des Anglais et le Vieux Nice, puis par une visite de la plage des Ponchettes. Suivent ensuite la présentation de mes films par Vincent Jourdan, la cheville ouvrière des Rencontres et par le critique de cinéma Vincent Roussel, les tournages des Cinématons de Tony Faria-Fernandes, Marjorie Nouvel, Vincent Jourdan, William Turmeau et Hervé Roesch et une longue séquence sur le sentier qui borde la mer en direction de l’Est.
(Gérard Courant)
Il faudrait commencer par dire que les Carnet filmés de Gérard Courant sont comme le bon vin : il faut les faire vieillir un peu pour en savourer tout l’arôme. Infatigable archiviste du temps présent, le cinéaste œuvre sans aucun doute pour la postérité (tant pis si le mot est un peu pompeux) et si une vision trop rapide de certains carnets récents pourrait nous faire songer à de banals films amateurs, la découverte des plus anciens prouvent déjà à quel point ces images n’ont pas de prix.
Je ne vous parlerai bien évidemment pas du Carnet de Nice qui est à la fois trop proche dans le temps et dont les images sont bien trop liées à mes souvenirs personnels. Sachez seulement que fidèle au célèbre vers de Baudelaire « Homme libre, toujours tu chériras la mer !», Courant nous propose de longues séquences contemplatives au bord de la Méditerranée et parvient à transformer cet élément en de véritables motifs abstraits, renvoyant d’ailleurs à certaines de ses expériences cinématographiques antérieures (À propos de la Grèce).
Dans tous ces Carnets filmés, la volonté du cinéaste est de graver sur pellicule des instants précieux, des bribes de ce qui deviendra peut-être par la suite un film, des esquisses afin de composer un ensemble s’apparentant à une sorte de journal intime ou de carnet de peintre.
(Docteur Orlof, Le Blog du Docteur Orlof, 4 février 2011)
Voici deux films qu'il m'est un peu délicat d'aborder parce que j'en suis, à différents niveaux, partie prenante. (…)
Le second, Carnet de Nice, signé Gérard Courant en 2010, a été réalisé du 19 au 22 novembre au cours de la 12e édition des Rencontres cinéma et vidéo à Nice que nous organisons. Nous y avions invité le réalisateur des fameux Cinématons sur une idée du Dr Orlof (dont le marathon sur cette œuvre gigantesque se poursuit). Le film consacré à Nissa la bella fait partie de la série des carnets filmés et il a été monté dans la foulée. J'ai pu le découvrir dès février.
Les deux films partagent la forme libre du carnet filmé, un certain rythme du regard de celui qui découvre ou retrouve après de longues années une ville étrangère. Un regard qui se pose au gré de la fantaisie, du hasard ou de micro-évènements, qui cherche à préserver la pureté d'un instant tout en donnant une structure à l'ensemble. Ce qui est intéressant, amusant et touchant aussi, c'est le côté neuf de ce regard quand on connait bien, trop bien, l'endroit exploré. Nice, il faut l'avoir vécue. Les deux films commencent de la même façon par une arrivée en train sur le bord de mer. L'œil caméra est collé à la vitre et suit les élégantes courbes du littoral trop fortement urbanisé. Je dirais même défiguré. Mais le visiteur se laisse aller à la fascination de l'étendue méditerranéenne, à l'horizon sur la mer bleue. Ce paysage que j'ai tous les jours sous les yeux quand j'emprunte le même train qui me mène au boulot depuis plus de vingt ans et que je ne vois plus. Enfin presque, il y a toujours des matins superbes qui accrochent l'œil. Mais, et c'est pire, je n'en vois que les défauts. Si je devais tourner une telle scène, je crois que je privilégierais l'arrivée par l'autoroute, l'aberration routière de la région, la cicatrice de la voie rapide, visions qui rivalisent de hideur avec les pires coins du périphérique parisien. Mais Éric Quéméré et Gérard Courant ont les yeux rivés sur le rivage rêvé, sur cette mer que j'évite parfois pendant des semaines.
Je retrouve aussi dans ces deux films l'intérêt pour les parties niçoises les plus anciennes : la vieille ville, le port, la promenade des anglais. Ils recréent sans le vouloir un centre à une ville qui n'en a pas (ou alors plusieurs), lui redonnant une certaine harmonie. Ville fantasmée par des millions de gens, Nice projette l'image d'une ville de cinéma qui n'existe pas. (...) Chez Courant, on emprunte la voie de la fantaisie jusqu'à effacer la ville, jusqu'aux abstractions des jeux de lumière sur l'eau et les roches, à la frontière des éléments, jusqu'à retrouver et isoler une beauté désormais réduite à de petites fractions du littoral.
Les deux réalisateurs se rejoignent aussi sur leur rapport au temps qui est pour beaucoup dans l'intérêt de leurs films. (…)
Le film de Gérard Courant, fidèle en cela aux dispositifs du réalisateur, joue sur l'immédiateté. Il enregistre, surtout dans la première partie, des fractions de temps, des moments destinés à devenir des archives. Ce sont les témoins subjectifs du séjour du réalisateur. Une promenade nocturne en temps réel (accélérée, ce qui lui donne, avec le son, un côté jeu vidéo). Le repas avec l'équipe des Rencontres. La présentation de la programmation par Vincent Roussel et votre serviteur, contre champ à sa propre personne (en noir et blanc, ce qui me rend presque regardable). Des fragments de tournage des Cinématons réalisés à l'occasion (5!), ce qui ne sera pas dans le film lui-même, l'instant d'après, quand le réalisateur nous dit que c'est fini. Et presque tout le monde a la même réaction : déjà ? Ces moments liés aux Rencontres sont pour nous précieux car ils constituent la partie que l'on ne voit pas. Le regard de nos invités, les moments off comme quand on saisit un acteur entre deux prises. Et puis Courant lie ce carnet à l'ensemble de son œuvre via un procédé que l'on retrouve souvent dans ses films : l'utilisation de Cinématons déjà réalisés, juxtaposés (ou ici superposé) à de nouvelles images d'une personne. C'est le cas pour Vincent dans ce film. Carnet de Nice s'inscrit ainsi dans la grande geste autobiographique du réalisateur.
Si Éric Quéméré joue de la fiction, Gérard Courant se laisse aller aux joies de l'expérimentation, fasciné par les motifs des nuages sur la mer et par les jeux de lumière sur les vagues. Bénéficiant d'un jour à l'autre d'un ciel couvert puis d'un soleil d'automne superbe, il s'offre deux séquences contemplatives tendant à l'abstraction, surtout la seconde, rythmées par le son toujours recommencé de l'eau battant le rivage et les rochers. Esquisses à la manière d'un peintre qui croque sur le vif, désir de conserver la trace d'un état d'esprit méditatif, si l'on accepte de se laisser porter, ce sont de longs passages qui incitent soi-même à la rêverie.
Films intimes, Aux Ponchettes et Carnet de Nice ont une circulation qui ne l'est pas moins. Mais à ceux qui seraient curieux de voir, je puis les mettre en contact avec les réalisateurs.
(Vincent Jourdan, Inisfree, 1er mai 2011)
Avec Carnet de Nice, nous nous trouvons dans un registre voisin, toujours assez expérimental mais plus direct, moins réflexif. Nous sommes dans la série des Carnets filmés, là où Gérard Courant donne naissance à l’équivalent d’un journal intime rendant compte de ses voyages. Ici, le prétexte est un séjour niçois durant le temps d’un week-end de novembre 2010.
Débutant avec l’arrivée en train du cinéaste, le film nous montre la Promenade des Anglais de manière tout à fait originale : les images enregistrées au rythme du marcheur défilent à l’écran en accéléré. Cette compression produit un drôle d’effet visuel et sonore. Bien qu’encore très longue, la séquence acquiert ainsi une durée supportable, mais c’est surtout la puissance sonore que l’on retient. Le son direct compressé donne un brouhaha assourdissant dès que le moindre roller double le cinéaste-arpenteur. De plus, nous sommes pris en tenaille par les bruits de la circulation sur la voie principale et celui de la mer, régulier et monotone. L’idée est toute simple mais traduit parfaitement la sensation que procure ce genre de ville côtière.
Après la balade, Gérard Courant filme des bribes des Rencontres Cinéma et Vidéo de Nice, festival dont il est l’invité, ainsi que l’envers du décor de quelques Cinématons tournés à l’occasion. Sa mise en scène de la présentation en public de ses propres œuvres, effectuée par l’un de ses meilleurs connaisseurs, Vincent Roussel, est très astucieuse. Il superpose aux images de l’intervenant en train de parler de son cinéma celles du Cinématon que ce dernier avait tourné précédemment. Dans ce Cinématon, Vincent Roussel présente à la caméra divers objets culturels bien choisis (livres, DVD) et donc, en même temps, par transparence, il présente sur scène l’œuvre de Gérard Courant, qui, par ce collage, présente à son tour Vincent Roussel...
La dernière partie de Carnet de Nice est essentiellement consacrée à une autre promenade au bord de la mer. On y voit comme en direct les prises de vue se faire selon l’instinct du cinéaste. Il marche et il filme, il cherche des idées de cadrage, en trouve parfois, pas toujours. Il faut accepter cette règle du jeu, ne pas avoir peur de passer par des moments d’ennui. Dans cette série de plans, on voit les ratures et les traits qui se précisent. Gérard Courant filme les flots inlassablement, tente de jouer sur les échelles de plans, du lointain au détail grossi, sur la lumière et les reflets, et obtient quelques belles images touchant à l’abstraction. Avec ce long final, on s’aperçoit que la mer ne nous a jamais vraiment quitté et qu’elle ne nous a guère laissé de répit au cours de ce séjour à Nice.
(Édouard Sivière, Le Blog Nightswimming, 16 décembre 2011)
Gérard Courant est surtout connu pour ses milliers de Cinématons, portraits muets de 3’20 mn. Et il filme énormément à côté de cela. Ce Carnet filmé à Nice (énième composante d’un immense journal filmé), pour ma part, m’a vraiment marqué pour la rencontre avec le Dr Orlof (Vincent Roussel).
Ce Carnet de Nice commence bien avec la Promenade des Anglais, où Courant fait part d’un travail expérimental, notamment l’articulation du son à la situation géographique de sa promenade. Mais on atteint vraiment un sommet lorsqu’il est question de présenter ses films à l’occasion d’un cycle de projections qui lui est consacré. C’est assez incroyable ce moment vertigineux où le cinéaste filme la personne qui au même moment parle de son travail de cinéaste. Vincent Roussel à la fois présente les oeuvres de Courant mais se fait aussi présenter, à tel point que la forme employée par Courant devient peu à peu une rencontre filmée avec le cinéphile. Personnellement je me perds, et je ne sais plus qui présente qui, il y a comme un va et vient, un flux réciproque. C’est vraiment génial et je vois là l’expression filmique d’une rencontre entre un cinéaste et un spectateur/cinéphile de son oeuvre. Au passage Gérard Courant nous glisse même un cinématon réalisé avec Vincent Roussel-Dr Orlof. C’est d’autant plus fort que le cinéphile fait un travail de “critique” approfondi depuis peu (environ deux ans) sur l’oeuvre énorme de Gérard Courant, et qu’on le sent présent de l’autre côté de la caméra pendant la présentation de ses films. Comme si en fin de compte, nous avions ici la mise en abîme du regard du cinéphile (ou critique).
Je me pose une question : Dr Orlof va t il critiquer ce Carnet de Nice? Ça pourrait être passionnant éh éh et entrer surtout en résonance avec ce Carnet filmé, excellent ! En tout cas un superbe travail filmique sur le cinéphile-critique, et j’applaudis !! Je vous renvoie à la chaîne YouTube de Gérard Courant où nombre de ses films sont postés et donc mis à disposition du public, et n’hésitez pas non plus à parcourir le blog du Dr Orlof quant à son oeuvre en général. Je précise juste que je perçois (et lis) davantage un cinéphile qu’un “critique” chez Dr Orlof, et le Cinématon va vraiment dans ce sens je trouve… Le critique rend en général ses écrits indépendants de l’oeuvre je trouve, et constituent des pièces en tant que tels, à tort ou à raison. Chez Orlof l’oeuvre est la source, et ses écrits, même s’ils portent un regard critique, renvoient sans cesse au film. Le Cinématon témoigne de l’objet oeuvre permanent (ses films, bouquins… référents s’enchaînent devant l’objectif de la caméra).
(Citylightscinema, 2 juillet 2012)
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