Année : 2017. Durée : 2 H 25'
Fiche technique :
Réalisation, concept, image, son : Gérard Courant.
Interprétation : les habitants de Saint-Marcellin (France), Noëlle Roth, Henri Inard, Anne-Marie Rey-Foity.
Production : La Fondation Gérard Courant, Les Amis de Cinématon, Les Archives de l’Art Cinématonique.
Diffusion : Les Amis de Cinématon.
Tournage : 2 avril 2009 au 13 avril 2017 à Saint-Marcelin (France).
Formats de tournage : Vidéo Mini-DV, HD Nikon Coolpix S2700.
Cadre : 1,33.
Procédé : Couleur.
Première diffusion publique : Site YouTube, 20 mai 2018.
Dédicace : Le film est dédié à Noëlle Roth.
J’ai habité à Saint-Marcellin, en Dauphiné, du 1er décembre 1952 au 16 novembre 1960, de l’âge de 1 à 9 ans.
En 2004 et 2005, j’avais consacré un long métrage à la ville de mon enfance, au titre galaxique : À travers l’univers.
Par ailleurs, entre 1983 et 2008, dans le cadre d’autres films (longs et courts métrages, carnets filmés, séries cinématographiques), j’avais eu l’occasion de filmer Saint-Marcellin à de multiples reprises. Ces différentes séquences avaient été rassemblées pour former un ensemble : Saint-Marcellin vu par Gérard Courant (1983-2008).
En 2017, j’ai réalisé une suite : Saint-Marcellin vu par Gérard Courant II (2009-2017), qui est essentiellement composée de séquences extraites de mes Carnets filmés.
Voici la liste des films et des extraits de films qui constituent Saint-Marcellin vu par Gérard Courant II :
-Tout était clair (2009)
-Direction Sud-Est (2009)
-Mes territoires (2010)
-Dernière vague (2012/2013)
-Poussières d’été poussières d’automne (2013)
-Hivers (2013/2014)
-Dans la fraîcheur des brumes orgueilleuses (2014)
-Pâques en Rhône-Alpes (2014)
-Print-Temps (2017)
-Archive Morlock : élection présidentielle 2017 premier tour (Saint-Marcellin) (2017)
(Gérard Courant)
Tout était clair. Aujourd’hui tout semble brumeux. Vu d’en haut, entendu d’en haut, c’est bruyant, des voitures passent comme des fusées dans la vallée. Ici les oiseaux accompagnent les pas dans la forêt. Au détour d’un sentier, quelques tags, la « civilisation » n’est pas très loin. Le bruit du moteur de la voiture sur le chemin nous dit que ce n’est pas si calme. Au bout de la route ? La ville. Petite ville qui n’est plus un village depuis longtemps. Le coteau où glisse le soir surplombe le centre ville, celui du cinéma, celui de la place du marché, celui de la grande rue, celui de la gare… le métronome rythme le temps qui passe, qui a passé.
L’enfant qui revenait de l’école dans la grande rue commerçante, ne retrouve pas son univers. Les rues sont désertes, les vitrines fermées, Barbara ne veut pas entendre « les voix du passé qui nous hantent » …
C’est calme et c’est bruyant à la fois. Le ciel éclaire la noirceur des rues, la pluie ruisselle et c’est l’éclaircie. La pluie lave le silence. Nettoie le vide.
La fontaine de la place du Champ de Mars est à l’image du temps qui s’est amassé, l’eau qui s’est écoulée, et juste derrière la façade du cinéma !
Je me promène, je revisite, avec Gérard Courant les rues de « ma » ville, à travers les passages, sur les coteaux, le long des promenades… à travers les parcs, jusqu’à Joud, là-haut… la « ville » village est bruyante et puis tout est calme.
Mais sur le marché, c’est la vie. Qui vit. Brouhaha.
Au service com, culturel, il y a la volonté de faire re-vivre la ville. Il est question de patrimoine. Le temps a passé sur la ville.
Il y a le ciel. Et les phares des voitures, le bruit des voitures qui traversent la nuit. Et puis la pluie. Les essuie-glaces effacent les images de la ville d’autrefois, celles de l’enfance. La ville était un terrain de jeu, un passage joyeux vers, un chemin parsemé de découvertes, qui menait au cinéma… la ville aujourd’hui, s’étiole, ruisselle, s’éteint… meurt.
Tout est flou désormais. Derrière les essuie-glaces, les images se décomposent, les pas du cinéaste, seul, s’attardent devant l’entrée de son enfance, où est l’enfant ?
2013, des passages, des fenêtres fermées, des grillages, des clôtures, des impasses, la ville est fermée ; la ville est morte. 2014, Dans la fraîcheur des brumes orgueilleuses ! les nouveaux quartiers, les yeux de Pierre Perret, la gare, les pubs pour la fête… la vie ? C’est ça la France ? Des murs délavés mais… de la verdure ! Vers – Cors ! Vert comme le Print-temps de Gérard Courant qui se balade dans les rues de son enfance et filme le vide , « fermeture définitive », Maison de la Presse fermée, « Nouveautés Martine » fermée, … la grosse noix de Grenoble à la gare est incongrue sur le quai des visiteurs mais la limite de discrétion ne s’adresse à personne,
Et puis il y a la campagne ! la promenade de Joud, le Vercors, les coteaux… Tout est vert, chemin vers, Vercors… retour à la piscine. VIDE. Abandonnée. Vestige – vertige.
Gérard Courant filme le temps qui passe. Il est passé. Mais grâce à lui nous pouvons re-convoquer les images de ce passé. Avant d’actionner les essuie-glaces.
(Noëlle Roth, 31 mai 2018)
Gérard Courant traque le passage du temps. Il filme le temps, la vie et la mort, les bulldozers et les grues, les vitrines fermées, les ruelles désertes.
Ou bien bruissantes du peuple de la ville, au marché.
S’il revenait juste un an plus tard, en 2018, à Saint-Marcellin, le temps aurait encore usé les traces filmées dans ses carnets, depuis plus de dix ans.
Car là où le temps passe, tout change, sans cesse. Le temps embrume la ville vue d’en haut. La pluie déforme les images de l’avenue du collège. Les lueurs de la nuit sont fantomatiques.
La fontaine du Champ de Mars a désormais perdu son habit de tuc, elle est nue. Déshabillée, elle est obscène. Et c’est comme si toute la ville avait été dénudée.
L’eau de la fontaine qui coule est bel et bien la preuve que le temps est passé sur les souvenirs de la ville vivante d’hier. L’absence, le vide, le silence. Ou bien le bruit, le chantier, les gravats, les voitures, les bulldozers.
La promenade finale à travers le plateau de Joud, verdoyant, aboutit à la piscine, navire abandonné. Le temps a passé, on n’entend plus l’eau éclabousser les enfants, les bassins sont vides. Seules, les cartes postales anciennes remplissent le vide. Vide que Gérard Courant filme, nous invitant à le remplir avec nos propres souvenirs.
(Noëlle Roth, 28 octobre 2018)
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