WEISSE REISE de WERNER SCHROETER.

Berlinaletip, 21 février 1981.

Pendant qu’il triomphait l’an dernier dans la compétition avec Palermo oder Wolfsburg, Werner Schroeter terminait Weisse Reise, son nouveau film présenté cette année au Forum du Jeune Cinéma.

« Mélodrame maritime » de 52 minutes, ce film est l’aboutissement d’un vieux projet que Schroeter avait élaboré, il y a une dizaine d’années et qu’il désirait réaliser avec de gros moyens financiers. Mais Weisse Reise est un film de 30 000 marks et Fausto et Thomas, les deux matelots dont le périple autour du monde les trimballe de Naples à Hambourg, de Hong-Kong à San Francisco voyagent « en chambre » devant des murs peints qui représentent l’espace et l’univers de leurs aventures sentimentales.

Cette artificialité de mise en scène proche de ses premiers films (Eika Katappa, La Mort de Maria Malibran) se nourrit d’une littérature populaire où, comme ici, les personnages vivent un amour fou qui les mène jusqu’à la mort.

Werner Schroeter provoque alors des jeux de balancier entre la série B américaine et la commedia dell’arte, le home movie et le roman de gare, les situations les plus dérisoires et les sentiments les plus nobles de l’existence, la musique dite classique et les chansons hawaïennes et Tino Rossiennes, Georges Bataille et le roman-photo. Ces va-et-vient produisent, comme toujours chez Schroeter, une émotion très forte (et donc rare) au cinéma. On rit. On pleure.

Avec Schroeter, le cinéma exhume une force fondamentale, ravalée peu à peu par le cinéma contemporain : la notion de spectacle reliée ici à la plus pure tradition antique du théâtre grec.

Gérard Courant.

 


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