image du film.LUC MOULLET (ÉRIC PAUWELS ET JEON SOO-IL) À MANOSQUE I (CARNET FILMÉ : 1 et 2 février 2011)

Année : 2011. Durée : 1 H 35'

Fiche technique :
Réalisation, concept, image, son : Gérard Courant.
Interprétation : Luc Moullet, Antonietta Pizzorno, Pascal Privet, René Frégni, Muriel Isoard, François-Xavier Emery, Jean-Jacques Markarian, Éric Pauwels, Stany Defize, Jeon Soo-Il.
Production : Les Amis de Cinématon, Les Archives de l’Art Cinématonique, La Fondation Gérard Courant.
Diffusion : Les Amis de Cinématon.
Tournage : 1er et 2 février 2011 à Manosque (France).
Format de tournage : Vidéo Mini-DV.
Cadre : 4/3.
Procédé : Couleur.
Collections publiques :
-BnF (Bibliothèque nationale de France), Paris (France)
-Cinémathèque de Bourgogne-Jean Douchet, Dijon (France).
Première projection publique : 16 novembre 2011, Le Consortium, Dijon (France).
Prix, distinctions, récompenses :
-Fait partie de la liste de 351 films, movies to watch with A, établie par claudemonetp, site Letterboxd (Nouvelle-Zélande), 2021.
Sortie DVD : Avril 2012, éditions L’Harmattan, Paris (France).



Présentation >>>

Luc Moullet (Éric Pauwels et Jeon Soo-Il) à Manosque I (Carnet filmé : 1er et 2 février 2011) est un des trois épisodes de ses Carnets filmés que Gérard Courant a tourné à Manosque lors des 24èmes Rencontres cinéma en février 2011.

Cet épisode commence par la soirée d’ouverture des Rencontres où est présenté L’Homme des roubines par son auteur, Gérard Courant et par son acteur, Luc Moullet, à qui les Rencontres consacrent une rétrospective.

La plus grande partie de cet épisode des Carnets filmés est constitutée par la captation de trois débats publics animés par trois des cinéastes invités des Rencontres : Luc Moullet avec son film Parpaillon, le cinéaste belge Éric Pauwels avec Les Films rêvés et le cinéaste coréen du Sud Jeon Soo-Il avec La Petite fille de la terre noire.

Critique >>>

DU CÔTÉ DE MANOSQUE

Dans la cadre de la rétrospective Gérard Courant initiée par la Cinémathèque de Bourgogne, le cinéaste est venu présenter deux films réalisés autour de la figure de Luc Moullet. Dans un premier temps, nous pûmes revoir avec plaisir l'excellent L'homme des roubines avant de découvrir un carnet filmé inédit (je ne l'ai même pas en DVD!) relatant le séjour de Courant à Manosque le temps d'un festival.

Encore une fois, découvrir cette œuvre 9 mois après son tournage paraît presque prématuré dans la mesure où ces notes, ces croquis, ces « brouillons » (l'aspect parfois « brut de décoffrage » du film) ne cessent de gagner en intérêt à mesure que le temps passe. En archiviste des temps présents, Courant mise tout sur la postérité et c'est dans quelques décennies qu'on mesurera tout l'intérêt de ce travail minutieux et obsessionnel.

Toute l’œuvre du cinéaste tend à la création d'une sorte d'immense anthologie de la vie culturelle française de la fin du 20ème et du début du 21ème. D'une certaine manière, les carnets filmés ne sont que la prolongation des Cinématons par d'autres moyens. Et lorsque que Courant enregistre longuement une intervention de Luc Moullet dans une salle de cinéma après la projection de son film Parpaillon, il s'inscrit dans la tradition d'un Sacha Guitry réalisant Ceux de chez nous. Mais au lieu de voir des artistes comme Rodin, Mirbeau, Manet et d'autres, ce sont des gens comme Noguez, Moullet, Garrel, Schroeter, etc. que l'on pourra retrouver.

Eric Pauwels et Jeon Soo-Il sont moins célèbres mais peut-être qu'un jour on regardera avec intérêt ces images fugitives de cinéastes parlant de leur œuvre devant un public cinéphile.

Si les individus intéressent Courant, les lieux l'obsèdent également. Il y a du géographe (comme chez Moullet, d'ailleurs) chez ce cinéaste arpentant les routes de France et d'ailleurs (nous aurons peut-être un jour l'occasion de parler des carnets filmés de Dubaï!). Dans ce carnet, il filme longuement sa déambulation dans le centre de Manosque. Peut-être que cette vingtaine de minutes en plan-séquence peut exaspérer le spectateur mais toujours est-il que ces visions de « cinéaste marcheur », à l'instar des « vues Lumière » constitueront un précieux document lorsque la patine du temps les aura enrobées.

Comme toutes les entreprises « sérielles » de Gérard Courant, ces « carnets » sont un défi prométhéen contre le temps. Pour le cinéaste, il s'agit de faire de sa vie entière, même dans ce qu'elle a de plus basique, une œuvre d'art et de la fixer sur « pellicule » (même si celle-ci s'est dématérialisée). La caméra devient à la fois une prolongation organique de son oeil (voir cette fameuse « balade » en plan subjectif) et un stylo griffonnant des notes, des croquis sur un bout de papier pour se souvenir de tout. Ce « tout » n'est pas toujours passionnant dans ces cahiers mais c'est l'entreprise elle-même qui l'est.

Le diariste Courant note, griffonne, récupère des « chutes » (la fin d'un Cinématon par exemple), saisit par hasard des images assez étonnantes (le visage de cette jeune femme blonde dont le corps est dissimulée par une sorte de palissade), s'attarde sur des éléments insolites du paysage et archive le tout dans un vaste ensemble où la vie et le cinéma ne font désormais plus qu'un...

(Docteur Orlof, Le Blog du Docteur Orlof, 18 novembre 2011)



LUC MOULLET PAR GÉRARD COURANT

Si l’œuvre de Gérard Courant ne ressemble à aucune autre, on pourrait cependant s'amuser à l'inscrire dans une sorte de généalogie imaginaire. Auguste et Louis Lumière seraient ses grands parents tandis que Warhol et Godard joueraient le rôle de « pères » cinématographiques. Garrel et Schroeter (dont il a été question ici) pourraient être les grands cousins flamboyants tandis que Joseph Morder serait son frère d'armes. Il y aurait aussi les fidèles compagnons de route (Vincent Nordon) et bien d'autres encore. Dans cette famille fictive, Luc Moullet pourrait tenir le rôle de l'oncle facétieux. Même si l'auteur de La comédie du travail et du Prestige de la mort n'a toujours pas tourné son Cinématon, Gérard Courant l'a souvent filmé (comment oublier ses apparitions hilarantes dans Chambéry-Les-Arcs et Le journal de Joseph M ?). Il lui a même consacré un film entier, l'excellent L'homme des Roubines qu'on ne trouvera pas dans ce triple DVD.

Échange de bons procédés, Luc Moullet offrira un petit rôle à Courant dans Parpaillon. A propos de ce film, on découvrira avec le sourire le Portrait de groupe (le n°177) que le cinéaste tourna avec toute l'équipe de ce film puisque celui qu'on voit le moins (il se cache sous son imper) est... Luc Moullet tandis qu'un des membres du groupe se fait remarquer en se mettant en caleçon et en sortant du champ.

Mais l'essentiel proposé ici par les éditions L’Harmattan sont les trois carnets filmés que Gérard Courant tourna à Manosque à l'occasion des 24èmes rencontres cinéma de la ville. Outre cette manière habituelle qu'a le cinéaste de filmer tous les abords du festival (des vues de Manosque, des détails insolites, des lieux, les fins de tournage de ses Cinématons...), il consacre l'essentiel de ses trois films à l'enregistrement de débats cinéphiles, comme au temps des séjours de Philippe Garrel à Digne, l'image en plus. Pour être tout à fait franc, les débats avec Eric Pauwels, Jeon Soo-Il et Patricio Guzman (grand cinéaste chilien) ne m'ont pas vraiment passionné. C'était sans doute plus intéressant en direct, après la projection des films (n'ayant pas vu leurs œuvres, c'est difficile de s'intéresser à ce qu'ils en disent!) En revanche, les trois débats avec Luc Moullet (après les projection de Parpaillon, Une aventure de Billy le Kid et La terre de la folie) sont passionnants.

D'une part, parce que c'est toujours intéressant d'entendre parler un grand cinéaste de son œuvre, d'autre part, parce que Moullet est un personnage hors du commun et qu'il se montre ici particulièrement en verve. On retrouve avec plaisir son débit de voix si particulier, son sens de l'humour désarmant, son génie de la formule, surtout après la projection de La terre de la folie où il s'en donne à cœur joie. Ce film (excellent) lui permet de narrer des anecdotes assez surréalistes (ce moment où il parle de « l'omerta de la presse » lorsqu'il s'agit d'évoquer les « immolations » qui ont eu lieu dans le fameux « pentagone de la folie » ou des corrélations entre la folie et le corps enseignant (il dit en substance que « les enseignants ont souvent besoin d'une année de jachère » pour ne pas sombrer et que « dans la famille de tous les fous, il y a au moins un enseignant »!) avec ce ton pince-sans-rire unique.

On imagine la jubilation de Courant à recueillir cette parole et à l'immortaliser. Une fois de plus, il s'agit de garder des traces de l'histoire du cinéma en prenant des chemins de traverse. C'est aussi ce qui le motive lorsqu'il va s'entretenir longuement (50 minutes) avec la femme de Moullet, Antonietta Pizzorno, en 2000 (le carnet filmé Antonietta Pizzorno chante Luc Moullet) qui fut script sur Une aventure de Billy le Kid et qui co-réalisa Anatomie d'un rapport. Dix ans avant le débat auquel elle participa aussi, elle raconte avec brio les aléas d'un tournage pas comme les autres où elle découvrit les substances illicites (l'odeur lui faisait d'abord penser à des excréments!), des conditions de tournage extrêmes (toute l'équipe accablée par la chaleur alors que Moullet dirigeait tout le monde...en pull!) et alla même jusqu'à mener... une grève contre le réalisateur ! Une décennie après, Luc Moullet répond à ces anecdotes avec le flegme et la drôlerie qui lui sont propre.

Encore une fois, on imagine ce que ces films tournés il y a à peine deux ans pourront avoir comme valeur « archivistique » dans 50 ou 100 ans. Il faut donc savoir gré à Gérard Courant de persister dans cette obsession qu'il a de conserver des traces de la vie culturelle de la fin du 20ème et du début de ce 21ème siècle...

(Docteur Orlof, Le Blog du Docteur Orlof, 6 janvier 2013)



IL FAUT SAVOIR GRÉ À GÉRARD COURANT DE PERSISTER DANS CETTE OBSESSION DE TOUT CONSERVER

À propos de Luc Moullet, et notamment ses liens avec la montagne, je ne peux que renvoyer à quelques réalisations de Gérard Courant. Ce dernier est évoqué, entre autres, ici et là sur le blog, et pour lequel je renvoie non seulement à son site internet mais aussi et surtout au blog du Dr Orlof qui a entamé depuis un certain temps une revue de TOUS ses Cinématons (!) et de nombreux Carnets filmés. Dans le cadre de ces Carnets filmés, où "il faut donc savoir gré à Gérard Courant de persister dans cette obsession qu’il a de conserver des traces de la vie culturelle de la fin du 20ème et du début de ce 21ème siècle…" (Dr Orlof), quelques-uns portent sur Luc Moullet, et un nous intéresse particulièrement ici. Ainsi, Luc Moullet (Eric Pauwels et Jeon Soo-Il) à Manosque I (2011) où face au public le cinéaste parle de Parpaillon qui vient de lui être projeté. On y apprend notamment quelques anecdotes de tournage (on comprend mieux, par exemple, les conditions climatiques assez différentes dans le film) et comment ne pas apprécier, au passage, son joli mot pour l’Ubaye, cette magnifique vallée où peut être, en effet, vit-on en meilleure forme plus longtemps.

(Citylightscinema, 4 septembre 2013)



UN ÉCHANGE ET UNE RÉFLEXION SUR LE CINÉMA

Ces trois épisodes des Carnets filmés de Gérard Courant, tournés lors des 24èmes Rencontres cinéma de Manosque (2011) avec Luc Moullet sont, en grande partie, des captations de six débats publics : trois avec Luc Moullet autour de ses films Une aventure de Billy le Kid, Parpaillon, La Terre de la folie, un avec Éric Pauwels autour de Les Films rêvés, un avec Jeon Soo-Il autour de La Petite Fille de la terre noire et un avec Patricio Guzmán autour de Nostalgie de la lumière.

Commencés dans les années 1970, ces Carnets filmés sont des archives cinématographiques qui regroupent toutes sortes d'éléments épars: notes, croquis, esquisses, repérages, reportages, voire rushes ou films inachevés rassemblés ici pour former un ensemble proche de l'esprit d'un journal en littérature.

Noter que les Rencontres cinéma de Manosque, nées en 1987 sous le parrainage de Jean Rouch, réunissent chaque année des cinéastes autour d'un programme de films internationaux - accordant une grande place aux films dits "documentaires" - avec l'idée d'instaurer un échange et une réflexion sur le cinéma avec les auteurs et les spectateurs.

(Point culture, Belgique, 2013)








 


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