GODARD I, II, III.

Cinéma 85, n° 331, 27 novembre 1985.

GODARD I

C’est au tour de l’Argentine de s’opposer à la présentation de Je vous salue Marie de Jean–Luc Godard. Les évêques catholiques reprochent au cinéaste d’avoir « vilipendé la signification spirituelle et la valeur historique de la foi chrétienne ». Pourquoi pas ? Mais il est peu probable qu’ils aient visionné le film puisqu’il n’a pas encore été distribué en Argentine. Continuons. Godard se moquerait « du sacré et de la Vierge Marie, vénérée d’un amour filial par les catholiques et très aimée de tous les Chrétiens » poursuit l’épiscopat. Et alors ?

Le cinéaste n’a de compte à rendre à personne et surtout pas au clergé argentin qu’il a collaboré — c’est un secret pour personne — avec le régime fasciste.

Le retour à la démocratie n’est pas apprécié par tout le monde en Argentine. Témoin cette commission laïque pompeusement appelée Notre–Dame du Rosaire qui a distribué dans le centre de Buenos Aires des tracts destinés à toutes les mères, au président Raul Alfonsin et aux fidèles. Elle propose purement et simplement l’interdiction de Je vous salue Marie. Jean–Luc Godard a bien de la chance. Premièrement, que l’on s’occupe de lui faire autant de promotion bénévole et de publicité gratuite sans qu’il n’ait rien demandé. Deuxièmement, et c’est une chance encore plus grande, d’être censuré car c’est le rêve de tout artiste qui dérange de causer des vagues, des remous et de mettre le doigt où ça fait mal. À l’évidence, Je vous salue Marie a touché sa cible.

Conclusion (qui aurait pu plaire à Monsieur de la Palice) : tant qu’il y aura des censeurs pour interdire des films, cela voudra dire que le cinéma est bien vivant !

GODARD II

Autre pays à la démocratie rafistolée à la hâte, le Brésil se prend, lui aussi, au jeu de l’intolérance. Le clergé brésilien est intervenu pour empêcher que Je vous salue Marie soit montré au festival international de Rio de Janeiro et s’oppose à l’hommage que le festival doit rendre à Godard. Par cette action, le clergé brésilien a démontré qu’il était, à la fois, le clergé le moins cinéphile du monde et le plus répressif. De quoi rendre fou de rage les Ruy Guerra, Carlos Dieguez, Paulo Cesar Saraceni ou Joaquim Pedro de Andrade, fondateurs du Cinema Novo qui libérèrent la culture et le cinéma brésiliens des carcans du conservatisme. De quoi salir la mémoire de Glauber Rocha, celui qui était, à sa façon, le Godard brésilien.

GODARD III

Rencontre exceptionnelle avec Jean–Luc Godard le mercredi 27 octobre 1985 à 15 heures à la Cinémathèque de Chaillot. La sortie du livre Jean–Luc Godard par Jean–Luc Godard (éditions Cahiers du cinéma) est un prétexte à une expérience très originale et... très godardienne. En effet, J. L. G. proposera les cinq premières minutes de la deuxième bobine de dix–sept films que l’auteur de Détective a intitulé Une histoire A/B du cinéma. Aux alentours des 16 heures 30, J.L.G. dialoguera avec le public.

Voici les titres des extraits de films qui seront projetés : Le Lys brisé (Griffith), Les Vampires (Feuillade), Le Cuirassé Potemkine (Eisenstein), La Foule (Vidor), Le Dernier des hommes (Murnau), La Passion de Jeanne d’Arc (Dreyer), Scarface (Hawks), L’Atalante (Vigo), Païsa (Rossellini), Éléna et les hommes (Renoir), Le Désert rouge (Antonioni), Les Oiseaux (Hitchcock), Blinkity Blank (Mac Laren), Sayat Nova (Paradjanov), L’Homme de marbre (Wajda), Elle a passé tant d’heures sous les sunligths (Garrel), Passe ton bac d’abord (Pialat) et, en exclusivité, 5 minutes des rushes de Rock X de J.L.G.

Renseignements : Catherine Lecocq ou Pierre Chosson, tél. : 45 53 21 86, postes 109/110.

 


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